Cérémonie à rebours

*Le Nightmare avait permis au groupe d'arriver rapidement à destination. Rödschrek connaissait le chemin par cœur. Il fit arrêter son animal sur une racine géante qui pouvait permettre de bâtir un camp au sol, sans pour autant être directement en contact avec celui-ci. La chimère sembla sortir de sa torpeur, prit une forme de centaure et commença à s'occuper de ce qu'il y avait à faire.

La tombe était à proximité.
Le drow s'y dirigea assez rapidement, comme guidé par l'instinct. Mais il se tourna bien vite vers ses compagnons, visiblement gêné. Il se massa la nuque, et s'assit devant, passant les bras autour de ses jambes, comme s'il ne savait pas quoi faire de plus.*

C'était crétin de venir ici. ça ne sert à rien.

*Le drow écarquilla les yeux. Il hésita un moment, et se recroquevilla un peu plus sur lui même.*

Ça ne sert plus à rien, il n'y a plus d'âme ni d'esprit, même dans le monde des morts depuis...
Je suis désolé de vous avoir amené là, ça... c'est inutile.

*Il cacha sa tête dans ses genoux. Il ne voulait pas montrer qu'il pleurait déjà. Lui même ne savait pas pourquoi il revenait sans cesse. C'était une obsession, un besoin illogique à son sens.*

Il n'entendra plus rien.

Mais... c'est ma faute tout ça.
Je... je ne pourrais pas l'honorer, c'est moi son bourreau.

*Il releva la tête et observa Sigild. Les traces de larmes étaient bien visibles sur ses joues, mais on lisait un certain espoir dans son regard. Il semblait ne simplement jamais avoir pensé à tout ça.*

Je l'ai juste enterré et j'ai récité la bénédiction de la terre mère. Mais...

*Il s'arrêta, n'osant pas dire qu'il ne savait juste pas la suite.*

C'est juste que je ne veux pas l'oublier.

*Le drow peina à commencer, mais il devait garder la tête haute en présence des esprits.
Il commença à reprendre les phrases de Sighild, d'abord avec difficulté, puis petit à petit, sa voix se stabilisa, redevenant parfaitement neutre.

Il observait la tombe, et gardait la main sur le torse, repensant à tout ce qui lui manquait, tout en répétant consciencieusement ses dires.

Lorsque le tout fut terminé, il sembla rapidement prendre conscience que tout reposait sur lui. Il appela à l'aide du regard et s'agenouilla près de la tombe.

Pour se faire comprendre, il préféra parler dans sa langue d'origine cette fois. Les esprits semblaient comprendre, tous eurent le même réflexe : s'agenouiller et respecter un temps de silence.

Sur le même temps, la chimère sous forme de centaure s'avança et commença à chanter. Sigild et Sven avaient déjà entendu des bribes de ce chant. Il s'agissait presque d'un hymne, celui des terres d'origines du drow. La voix de la chimère résonnait doucement, mélodieuse, emmenant dans le passé doucement, promettant l'espoir et la liberté.

Certains esprits reprirent à sa suite, d'autres disparurent petit à petit. Le chant continua longuement, jusqu'à ce que le silence reprenne sa place. Le drow essuya encore quelques larmes et se releva. Il sortit sa montre et ouvrit le cadran. Il plaça l'objet devant la tombe.*

Tu vois mon frère, on n'a rien oublié.

*Il sourit et récupéra l'objet comme s'il s'agissait de ce qu'il avait de plus précieux. Il la remonta et la serra. Il observa Sighild et lui montra l'objet.*

Dedans, il y a les souvenirs de ma famille.

*L'objet était magnifique. Chaque pan du mécanisme était visible sous le cadran. La coque arrière pouvait s'ouvrir également. Il y avait d'ailleurs des traces de magie à cet endroit.

Il se releva ensuite, et observa de nouveau les personnes se trouvant autour de lui, gêné.*

Je peux rester un peu seul?

*Le drow revint à proximité en début de soirée. Maïtaga avait allumé un feu, et s'occupait du repas du soir.
Il salua son roi, celui-ci lui rendu son salut d'un geste et s'assit près du feu. La solitude était décidément quelque chose qu'il détestait.

Il avait toujours eu pour habitude, lorsqu'il partait en mission de rester à l'écart de Sven et Sighild. Pour ce soir, il avait besoin de rester à proximité.

Il observa un moment les flammes, et fini par se tourner vers Sighild.*

Merci.

*Il ne rajouta rien de plus. Les mots n'étaient pas nécessaires. La journée avait été ennuyeuse et longue, la nuit fut relativement courte.
Rödschrek se réveilla à l'aube, et commença à débarrasser le camp pour reprendre la route, silencieux, comme d'habitude.

Il portait encore cet air très lointain, comme s'il y avait un gouffre entier entre lui et les autres. Même sa chimère n'osait pas toujours s'approcher de lui.
Dès que tous furent près, ils reprirent leur route.*

[suite ici]