par Le voyageur Mar 7 Aoû - 14:51
*Le conteur attendit patiemment que le calme se fasse, que l'attention se porte sur lui. De nouveau, il joua quelques notes, qui semblèrent emplir la pièce comme une eau pure parcourant l'immense bocal qu'était l'auberge.
Sa voix se fit entendre comme un son doux, mélodieux, une voix grave aux tons légers. Une ambiance étrange semblait se poser, mais rares étaient ceux qui semblaient en avoir conscience, absorbés par ce qui allait se passer.
La voix virevoltante du Voyageur se fit entendre, et l'on aurait dit que même ses vêtements flottaient dans son flot de paroles, appuyant sa présence, envoûtant presque son public, et rappelant quelqu'un. Un autre conteur bien plus connu...*
Ce que je vais conter ce soir est une histoire, une légende, dont le temps se perd dans les brumes du passé. Un temps si ancien que nos histoires les ont oubliées.
Il existait autrefois un peuple orphelin.
Un peuple simple, nomade, uni,
Mais hélas, la cible du Malin.
Ce peuple parcourut tout Ekoï,
Alors en proie à de nombreux conflits,
Pour trouver un havre de paix,
Et y trouver une nouvelle vie.
Chassé par les uns,
Dépouillé par les autres,
Rien ne semblait correspondre
A leur paradis perdu.
Perdant foi en l'Homme
Et dans les races mortelles
Ils se tournèrent vers le ciel
Ce monde libre et sans entraves.
Combien de temps rêvèrent-ils
De cet espace sans chaînes ?
Combien de temps errèrent-ils
Sur cette terre meurtrie ?
Nul ne le sait, eux mêmes l'ignoraient,
Ils avancèrent sans savoir où aller.
Vers les montagnes, disaient les uns,
Là où le ciel devient accessible.
Vers les mers disaient les autres,
Là où nul autre ne viendra nous détruire.
Tournés vers les mondes où nul Homme n'était,
Ils se perdirent lentement, dans de stupides querelles.
L'on dit que ce peuple, pourtant simple et amène,
Manqua de disparaître dans de cruelles querelles.
C'est alors qu'un élu, dont le nom s'est perdu,
Naquit parmi ce peuple, destiné à le sauver.
Cet élu grandit parmi ses frères en colère,
Mais pourtant ne se joignit pas à leurs jugements.
Au lieu de cela, il observa le ciel,
La mer et ce monde, ainsi que l'horizon.
C'est alors qu'il comprit. Chacun avait raison.
Car pour mer comme pour ciel, chacun joint l'horizon.
Il rassembla ses frères, conta sa révélation,
Et mena son peuple vers les pics du monde.
Là-haut, disait-il, il n'est ni ciel ni mer,
Il n'est que l'infini, le reflet et le ciel.
Là-haut se trouverait le salut recherché.
Livré par le Père, le maître des cieux,
Qui saurait les accueillir dans son havre divin
Offrant au peuple meurtri la récompense du sang versé.
En haut des monts, ils s'installèrent.
Loin des autres peuples, ils prospérèrent.
Leur foi ne cessa de croître
Leur dieu était leur guide.
Pourtant.
Rien n'est éternel.
Lorsque l'élu quitta ce monde,
Il fit une sombre prophétie.
Un avertissement aux siens.
Un avenir incertain.
Il annonça la bénédiction divine.
Il annonça la descendance des cieux.
Il annonça leur fin.
Il annonça leurs enfants.
Il annonça leur temple.
Il annonça leur plus grande oeuvre.
Il annonça la flèche qui atteindrait les cieux.
Il annonça le crime de l'enfant contre son père.
La fin d'un peuple.
La fin d'une ère.
Le plus grand crime de ce monde.
Lorsque ses yeux se fermèrent pour la dernière fois,
Nul ne sut que croire, ni comment continuer.
Ce peuple florissant, promis à un grand avenir,
Disparut de l'Histoire, disparut des mémoires.
Qu'est-il advenu de ce peuple glorieux.
De leur foi inflexible ? De leurs divins enfants ?
Et quel fut donc ce crime, a-t-il été commis ?
Le monde d'aujourd'hui pourra-t-il un jour,
Si le Destin l'autorise,
Comprendre son histoire,
Trouver la vérité ?
Je laisse juge les Hommes, les Sages et les Puissants,
Qu'ils apprennent et décident, qu'ils annoncent le verdict.
Car l'Histoire à jamais, laissera sa marque,
Car il est des blessures, qui jamais ne s'effacent.
*La musique cessa. L'enchantement s'arrêta. Cet instant de magie disparut aussi vite qu'il était venu. Certains semblèrent sortir d'un rêve, d'autres applaudirent timidement. Personne n'aurait su dire si ce conte était bon ou mauvais, s'ils avaient aimé ou non. Si l'histoire était belle, elle laissait un goût amer. Si l'histoire était longue, elle paraissait pourtant incomplète.
Et les rares qui tâchaient d'en saisir les paroles profondes semblaient se perdre dans un abysse de questions dont les réponses ne pouvaient se trouver.
Sans agitation aucune, chacun reprit ses activité, certains la larme à l'oeil, d'autres osant à peine parler. Le brouhaha reprenait, mais si bas qu'on pouvait entendre l'extérieur.
Le Voyageur se rassit, et se vit immédiatement servir un repas chaud, en paiement de sa prestation.*