*Ils arrivèrent rapidement au domaine Zohokan. Là, ils n'eurent aucun mal à localiser Sven : des explosions titanesques provenaient du coeur même du domaine, dans le grand jardin entouré par les différents bâtiments qu'habitaient les Zohokans. Tous étaient dehors, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Au centre du jardin, toute la décoration était complètement détruite. Monuments aux morts, parterres de fleurs, petit lac, tout était ravagé.
Et sur ces décombres, deux hommes se faisaient face. D'un côté, Luderik Zohokan, le patriarche des Zohokan, autour duquel semblaient graviter toutes sortes de choses : eau, roches, terre, flammes, outils et armes. De l'autre côté, on pouvait reconnaître la silhouette de Sven, dont le corps nimbé d'éclairs filait à une vitesse folle.
Le choc des deux combattants provoquait des ondes destructrices, et magie comme éclairs ki partaient dans tous les sens. Sven avait l'avantage de la fougue, mais Luderik était nettement plus puissant. Étonemment, ce dernier affichait un sourire, comme s'il était fier de ce qu'il se passait à l'heure actuelle.
A l'arrivée du groupe, Sven décida d'en finir. Ce qui était une aura si forte qu'elle en faisait trembler les murs se mua soudainement en un calme glacial qui parcourut tout le domaine. De lui émanait désormais une sorte de fumée noire, lourde. A son contact, un froid glacial et une sensation de vide emplissait le coeur de chacun, et tous reculèrent de peur de faire les frais d'un sort mal maîtrisé.
Quant à Sven, son apparence physique semblait avoir changé du tout au tout. Ses cheveux argentés étaient désormais plus noirs que les ténèbres, et il arborrait un sourire malsain, fier et supérieur. Le blanc de ses yeux avait viré au noir tandis que ses iris étaient désormais deux cercles blancs veinés de noir, au centre desquels flottaient ses pupilles. Sur ses joues, deux longues trainées noires s'étaient creusées, descendant du coin des yeux jusqu'au menton, comme les sillons de larmes qui auraient brûlé la peau. Il n'émanait de lui qu'une sensation de vide oppressant.
Rödschrek et Sighild avaient déjà vu Sven dans un état similaire. Mais là, l'unique adjectif qui pouvait venir à l'esprit était : complet. Il était complètement maître de sa forme, une première depuis qu'il avait découvert ce don.
Luderik ne se démonta pas pour autant. Ce qui voletait autour de lui sembla se mêler pour former une énormebarrière en vue d'arrêter son fils.
Tout se passa alors bien plus vite que ce que la perception permet. Sven apparut soudainement devant la barrière, la main posée dessus. Elle ne vola pas en éclats, mais tomba purement et simplement en morceaux, dénuée de toute magie pour la contrôler.
L'instant suivant, Sven était devant son père, et lui décocha une série de coup si rapide que seule la "disparition" de ses bras indiquait qu'il se passait quelque chose.
Le souffle coupé, le Patriarche tomba au sol, vaincu, incapable d'initier le moindre sort. Il était impuissant. Sven leva alors le bras, et cria pour que chacun puisse entendre. Sa voix était emplie d'une détermination sans faille.*
Vous êtes témoins de ce qu'il vient de se produire. Cette nuit, moi, Svenhyr Zohokan, j'ai suivi les rites ancestraux des cinq familles. J'ai vaincu à la loyale chacun de nos chefs, officiels comme officieux, chaque membre important de notre famille a éta vaincu. J'ai alors provoqué notre Patriarche pour lui prouver ma valeur, et l'ai vaincu sans le déshonorer.
Pour cela, en vertu de nos lois, je réclame ce jour le titre de Protecteur des Zohokans. Que quiconque souhaite me disputer ce titre s'avance, ou se taise à jamais.
*Protecteur n'était pas un mot à prononcer à la légère au sein des 5 familles d'Imvar. Selon d'anciens rites, le Portecteur d'une famille est l'égal du Patriarche. Il est alors son conseiller, le guide de la famille, et celui qu'on écoute en cas de danger pour la famille. De même, en cas de mort ou de défection du Patriarche, il devient automatiquement le Régent familial, le temps qu'un nouveau Patriarche survienne.
Contrairement au titre de Patriarche, qui s'obtient par l'héritage et décision du conseil familial, le titre de Protecteur s'obtient par la force, le courage, et l'honneur. De plus, il faut faire jeu égal ou être reconnu par le Patriarche pour pouvoir prétendre à ce titre. Il est extrêment rare qu'un Protecteur soit plus puissant qu'un Patriarche.
Pourtant, ce soir là, un événement qui ne s'était pas produit depuis cinq siècle venait de se dérouler. Un prétendant au titre de Protecteur accomplissait le rite, ce qui n'était déjà pas survenu depuis deux siècles au sein des 5 familles, mais en plus de cela, il avait surpassé le Patriarche. Ce qui faisait de lui une personne plus importante que le Patriarche lui-même.
Personne n'osa s'approcher, nul ne disputa le titre ainsi réclamé. Même Luderik, qui n'était pas KO, se releva tant bien que mal, mais ne montra nulle animosité. Il posa une main sur l'épaule de son fils.*
Svenhyr... Je suis fier de toi. Je reconnais ta force et ton jugement, tout comme ceux que tu as vaincu le reconnaîtront. Je te reconnais comme étant un Protecteur digne. Puisse ta force être au service des tiens, et ta sagesse nous mener sur le chemin de la paix.
*Il s'agenouilla alors devant sa descendance, dont il était désormais inférieur. L'assemblée fit alors de même, avec le plus humble respect. Nul ne partit, nul ne grommela même. Ce n'était pas la peur qui les animait, mais le respect.
Sven soutint alors son père, mais conserva sa transformation active malgré tout.*
Frères, oncles, parents, cousins, petits-enfants, ancêtres, notre famille a été divisée. Nous avons tous cru aux rêves d'un homme, qui pourtant nous a trahi. Nous avons voulu croire en un avenir meilleur en l'effaçant de nos mémoires. Hélas, c'est cette erreur qui nous a divisé. Nous sommes en conflits. Certains d'entre nous pensent qu'il faut agir, d'autres qu'il faut attendre. Ces décisions sont difficiles à prendre, peut-être même à concevoir.
Sachez ceci : je n'aspire qu'à une famille heureuse, et pour cela, nous devrons changer bien des choses dans notre fonctionnement, dans nos règles et nos coutumes. Pour que chacun soit enfin libre, et n'ai pas à subir le poids de sa naissance, il nous faudra nous transformer.
Et la première de ces transformations commencera ce soir.
*A peine eut-il dit cette phrase qu'il plongea ça main dans le coeur de son père. Aucune effusion de sang n'eut lieu, mais quelque chose se brisa, quelque part à l'intérieur, et chacun put le sentir. Les Zohokans poussèrent un gémissement tous à la fois, sans comprendre d'où cela pouvait venir.
Sven retira doucement sa main, tenant alors un objet sombre d'où émanait un immense pouvoir. Un fil de magie pure continuait de relier l'artefact au coeur de Luderik. Ce dernier, soudain terrifié, tentait de se débattre, mais ses forces semblaient l'abandonner.
Son corps se mit à vieillir de façon accélérée. Des rides apparurent, ses cheveux se mirent à grisonner. Il semblait désormais du même âge que sa femme, un âge avancé, comme un retraité. A cet instant, Sven resserra le poing, et l'artefact disparut totalement, dans le néant.
Luderik hurla de douleur, et tous les Zohokans crièrent à leur tour. Et quelque part en Ekoï, dans sa cache, Elrick hurlait aussi, comme si on venait de lui arracher un fragment de lui-même.
A nouveau, Sven aida son père à se relever. Ce dernier regarda ses mains, a mi-chemin entre la peur et... la joie ?
Il regarda son fils dans les yeux, et ce dernier daigna enfin reprendre une apprence normale. Ses yeux reprirent leur pétillant habituel tandis que ses cheveux argentés rapparaissaient. Un sourire triste au visage, il regardait son père, espérant à peine sa bénédiction.*
Ce fardeau n'est plus le tien, papa.
*Luderik prit alors son fils dans ses bras, des larmes coulèrent de ses yeux. Des larmes de joie.*
Je ne sais pas si tu es fou ou si tu es notre nouvel espoir. Mais... merci, mon fils.
*Sven quitta alors le centre de l'assemblée, venant vers Runson, Sighild et Rödschrek. Il se tourna d'abord vers Rödschrek.*
Merci de ne pas être intervenu. Je pense que je vous dois des explications.
*Puis il jeta un oeil à Runson.*
A tous.