Ce rêve m'assaille. Pourquoi a-t-il fait ça ? Nous aurions pu fuir ! Pourquoi... Pourquoi m'as-tu trahie ?
Je ne veux plus vivre. Quel sens cela aurait-il ? Je n'existe pas. Svenhyr...
Combien de temps ? Pourquoi me demandes-tu ça ? Vivre ? Pourquoi donc ? Tu n'es plus...#
*Sighild ouvrit soudain les yeux. Elle se trouvait dans une pièce obscure, avec pour seule lumière une légère lueur passant par l'interstice entre une porte et le sol.
Elle était dans un lit, mais ne se souvenait pas s'être couchée. Elle était en sous-vêtements, à peine consciente de ce qu'il se passait. Rien en fait. Elle était seule, dans un silence de mort. Une légère odeur de renfermé lui parvenait aux narines.
Où était-elle ? Doucement, elle se leva. Ses jambes ne répondaient pas correctement à son cerveau. Elle se sentait engourdie, comme si elle avait dormi pendant trois jours.*
#Combien de temps ?#
*Cette question, sortie tout droit de son rêve, l'assaillait soudain. Combien de temps depuis quoi ? La réalité lui revint au visage comme une tempête contraignant un vieil arbre déraciné.
La vision de Sven lui revint, tellement différent, comme un jumeau sombre. Le regard dur et résigné, les cheveux autrefois d'un argent flamboyant ternis par la noirceur. La joie de vivre complètement disparue.
Ils l'avaient tué. Elle le savait. Ainsi était la loi des Zohokan. Il avait voulu lui épargner ce spectacle, mais ne l'avait pas préservée de la suite. Les larmes coulèrent comme un flot continu, la rage montante face à la cruauté d'un tel acte. Elle ne pouvait concevoir que Luderik, qu'elle considérait comme un second père, avait pu commettre cette horreur.
C'était pourtant le cas. Chancelante, elle se dirigea vers l'unique porte de la pièce. Elle chercha quelques minutes un interrupteur. Quand enfin elle le trouva, une impression étrange la submergea.*
Sven ?
*Pas de réponse. Elle était seule. La lumière allumée, elle constata qu'il y avait une commode, dans laquelle étaient maladroitement rangés quelques vêtements lui appartenant. Quelqu'un l'avait amenée ici. Dans quel but ? Qui ?
Elle s'habilla, puis, peu assurée sur ses jambes, ouvrit enfin la porte.
Un appartement ? Non, elle n'entendait pas le bruit de la ville. Et les salles évoluaient en longueur, trop grand pour un simple immeuble. Elle fit le tour, mais il lui fallut bien vingt minutes avant de trouver la porte d'entrée, seule poignée dans un mur. Elle ne parvint pas à l'ouvrir, cependant. Du moins, elle n'osa pas forcer de peur que la poignée lui reste dans la main.
Lasse, ne sachant que penser, que faire, elle avait toujours ce sentiment. Une présence chaleureuse. Personne ne semblait venir pourtant. Elle s'assit sur un canapé, alluma la télévision.
Le journal. Une catastrophe apparemment. Une... attaque ?!
La drow se leva d'un bond. Devant elle, des images prises du ciel : des créatures immenses, qu'elle aurait juré être des statues, avaient ravagé tout Aërzem. Kelos était tombée, ses habitants anéantis. Un film catastrophe ? Non, il s'agissait bien des informations. Les cités volantes des Aërs blancs avaient été complètement décimées, et de l'autre côté de la mer, Xamos sonnait son grand retour et prônait l'unité des races face à un ennemi puissant.
Combien de temps ?
Cette question la tenaillait. Craintive, elle coupa la télé, chercha un calendrier électronique. Elle blêmit à vue d'oeil lorsqu'elle vit la date.
Deux mois. Deux mois s'étaient écoulés. Comment ? Effondrée, elle s'assit dans le canapé et se laissa aller à sa peine.*